Les terres agricoles françaises sont convoitées et grignotées aux bénéfices de projets étrangers ou d’ouvrages périurbains, mais au détriment de la production. Une évolution qui inquiète.
Des exploitations de plus en plus grandes, des prix en augmentation, la concurrence des investisseurs étrangers…accéder au foncier n’est pas facile pour une jeune qui veut s’installer. Les conditions de reprise des terres agricoles se posent parfois en obstacles et soulèvent aussi de nombreuses questions : Quel est le profil de l’acquéreur ? Comment réguler les acquisitions foncières par rapport aux enjeux de l’agriculture ? Et surtout : qui pourra acheter du foncier demain ?
Réguler le marché
Pour débattre sur ces interrogations, la SAFER Auvergne Rhône-Alpes sous la baguette de Thierry Boulleau, directeur, a réuni divers intervenants à l’occasion d’une conférence au Sommet de l’élevage. Tous sont convaincus de l’impérieuse nécessité de réguler le marché du foncier agricole pour pouvoir demain continuer à produire sur le territoire français. Michel Sinoir, Directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et la Forêt va même plus loin en clamant « nous avons le devoir de faire aujourd’hui de l’économie de foncier. C’est sur ce point d’ailleurs qu’on attend la puissance publique. Il faut durcir le droit d’urbanisme et protéger le foncier agricole ». Une position doublement consentie par Robert Delage, administrateur de Terre de Liens Auvergne Rhône-Alpes, dont l’association œuvre depuis 2007 à sécuriser le foncier via l’acquisition de terres et de bâtis pour les mettre à disposition de preneurs agriculteurs biologiques.Depuis les premiers achats de fermes en 2007, Terre de Liens a acquis près de 200 exploitations (chiffre de 2018 NDLR) sur l’ensemble de la France dont 35 en région Rhône-Alpes et 13 en Auvergne. « Notre particularité est d’installer des gens qui ne sont pas propriétaires de leur outil de travail et dont le profil correspond à plus de 80% à des candidats hors cadre familial » précise Robert Delage. D’après lui, le nombre des installations est arrivé à un seuil critique alors que « la présence humaine sur nos territoires est vitale. Il faut donc se mobiliser pour l’installation. En 1980 la France comptait près d’1,2 million de fermes, aujourd’hui elles ne sont plus que 350 000… » déplore le représentant de Terre de Lien
Vers une grande loi foncière ?
Une triste évolution dont s’inquiète légitimement le secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de la Région, Jérémy Giroud, qui juge « insuffisants et insatisfaisants trois départs pour une installation ». A l’image de Bertrand Lapalus, secrétaire général de la SNFM (Section Nationale des Fermiers et Métayers), le jeune agriculteur réclame « la mise en place d’une grande loi foncière » et « l’inscription dans la loi d’un statut d’agriculteur professionnel permettant de sécuriser le métier et l’accès au foncier. » « Aujourd’hui de plus en plus de personnes veulent faire de l’agriculture avec de l’argent nous on veut faire de l’agriculture pour faire de l’argent ! » poursuit Bertrand Lapalus. Un clin d’œil ironique sans doute à Christophe Gruy, industriel lyonnais et récent propriétaire du château de la Chaize dans le Beaujolais. L’homme d’affaires relance la production de vins bio sur les 320 ha du domaine ; il « revendique d’être propriétaire de son exploitation » alors que d’autres encouragent davantage la mise à bail. C’est le cas de la SNFM qui s’interroge sur « comment redonner envie au bailleur de louer pour produire ? » L’investissement dans le foncier doit selon lui « être un choix et non une obligation ; or aujourd’hui beaucoup de jeunes se sentent obliger d’acquérir quand le propriétaire vend. » Pour Michel Sinoir, « La profession et les acteurs doivent encourager les installations progressives. Quand on est «grand» il faut avoir le courage d’altérer sa structure actuelle et la céder progressivement ».Gilles Flandin, président de la SAFER Auvergne Rhône-Alpes aura le dernier mot : « le commencement du commencement c’est la protection du foncier. Il faut se réveiller avant qu’il ne soit trop tard ! »
Publié par Charlotte Rolle – AUVERGNE AGRICOLE (63) journal